le chene vert - texte de Claudine

Publié le par Hash




                                                                       LE CHENE VERT                                                                      Nov. 2008


Mon nom est Quercus Ilex , je suis né dans les monts d'or à l'embouchure de la Dore et de la Dogne.

Mon père un grand chêne vert qui avait atteint un âge respectable fut abattu avec ses congénères pour servir de bois de chauffage. Il fut embarqué sur une gabarre qui en ce temps là assurait le transport des marchandises jusqu'à Bordeaux.

Après plusieurs jours de voyage  ponctués de nombreuses escales ,nous fumes débarqués sur le quai de La Roque Gageac.

Nous étions en décembre, je m'apprêtais à finir brulé dans un cantou, quand le sort en décida autrement.

Il était quatre heures de l'après midi quand le vent se leva ,la nuit tomba, ombre et lumière se

 mêlèrent dans une lueur d'Apocalypse.

C'était comme si Autan Mistral,Tramontane,Sirocco,Alizés ,Harmattan et Stamal s'étaient  donnés rendez- vous pour leur grand sabbat.

Une bourrasque plus forte que les autres rompit la branche qui tel un cordon ombilical me reliait à mon père.

Valse à l'endroit ,valse à l'envers le tourbillon infernal dura jusqu'à l'aube ou épuisés par cette bacchanale ,les vents se retirèrent ,me laissant choir au coin d'une maisonnette.

Je passais l'hiver sous un tas de feuilles mortes.

Au printemps ,ma cupule étant devenue trop étroite ,je poussais mes racines à l'extérieur  et m'ancrais solidement dans l'humus :je pus enfin contempler le merveilleux paysage qui m'entourait ;

La rivière Dordogne coulait à mes pieds, surplombée par les châteaux de la Malartrie et Castelnaud.

Un chercheur de morilles faillit m'arracher du bout de son bâton ferré, heureusement apercevant  les premières frondaisons, il comprit que la saison était passée et rebroussa chemin.

Vint le temps ou  étirant mes branches, je pus regarder à l'intérieur de la maison et mettre un visage sur les voix  qui me parvenaient depuis longtemps.

Printemps, été automne ,hiver, printemps, les saisons se succédaient .

J'aimais particulièrement l'automne où les feuillus se couvraient de sequins d'or.

Moi, qui devait me contenter de sequins d'argent, j'étais un peu jaloux, mais je sus bientôt qu'au premier grand vent ,ils se retrouveraient pauvres et nus pour affronter la froidure de l'hiver.

La maison connut plusieurs propriétaires, tous m'appréciaient et je continuais à couler des jours paisibles jusqu'à l'automne dernier ou je surpris des conversations :la maison allait s'agrandir.

La propriétaire qui m'aimait beaucoup  résista tant qu'elle put, mais un beau jour je vis arriver deux malabars :l'un portait une corde, l'autre une tronçonneuse

Je fus promptement ceinturé et plaqué au sol ,la tronçonneuse déchira mes branches, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire ,je fus débité en buches et entreposé sous l'auvent.

Mes racines ne résistèrent pas à la pelleteuse mécanique,  chargées sur un camionnettes

Finirent à la décharge.

Bientôt je serais brûlé dans cette belle cheminée couverte de lauzes que j'admirais tant de l'extérieur.

Mais je ne suis pas triste, j'attends le feu salvateur qui libèrera mon âme ,me permettant de rejoindre mon fils. Un de mes gland a germé dans un massif et la propriétaire m'a juré de veiller sur lui.







MON   ROUGE   A  LEVRES             texte de CLAUDINE                                 2007



Mon rouge à lèvres


         Trois dés de métal or empilés, que l'on aimerait lancer sur le tapis vert, mais à ce jeu-là, on ne gagnera rien, puisqu'ils sont solidaires .


         Au sommet telle une couronne deux  «g«  s'entrelacent, monogramme de la  prestigieuse maison Guerlain.


  En le retournant, on peut lire diverses inscriptions :


     «  Kiss kiss   kiss yes or kiss  not «  , nos grand-mères ayant jeté leurs quichenottes aux orties, à nous de décider

    «  547 « ,  «  brun de plaisir «   et    « vol mythique «   qui nous entraînent vers des contrées ensoleillées, où , allongées sur le sable nous brunirons de plaisir.


     Entre le deuxième et le troisième dé, coule une rivière qui ne devrait mener nulle part puisqu'elle est circulaire ; pourtant ,au détour d'un méandre, un déclic libère les deux parties :


    Deux dés empilés, premières pierres d'une construction Cyclopéenne, si elles n'étaient évidées et doublées de laque noire.


       Le troisième dé, surmonté d'une colonne ionique, dorique, ou corinthienne, nous ne saurons jamais à quel temple païen elle était destinée, sûrement à un culte vénusien en tout cas, puisqu'elle abrite en son sein ,le fameux raisin, que petites filles, nous  volions à nos mères, pour  brûler les étapes et pénétrer à notre tour au royaume de la Féminité.


        Mais nous nous égarons, laissons là ces chimères, ce n'est après tout  qu'un tube de rouge à lèvres beaucoup trop coûteux .


        NB :   Quichenotte, coiffe paysanne destinée à se protéger du soleil ou des baisers des soldats

anglais.








VIOLETTE    VENTURA                           texte de CLAUDINE                                                    2007



      Violette était une enfant pleine de vie , avide de savoir ; l'apprentissage de la lecture, la passionna   ,la table de multiplication l'enchanta , elle n'aimait rien tant qu'être la première à brandir son ardoise au-dessus  de sa tête ,cela lui procurait presque autant de joie que de

saisir la queue du mickey sur le manège.


  Seule l'écriture lui posa quelques problèmes, car bien que petite fille d'institutrice, elle n'avait pas hérité de ce gène, sûrement récessif.

  Précisons que cette histoire commence au temps des porte-plume.


       Elle avait beau s'appliquer, tirer la langue, les pâtés constellaient ses cahiers, si au moins ils avaient pu se transformer en violettes.

Ses doigts étaient toujours tachés d'encre, ce qui lui valait les moqueries de cette chipie d'Isa, dont les tabliers roses n'arboraient jamais la moindre tache ;

 Le temps passa ,les stylos remplacèrent les porte- plume, il y eut encore quelques doigts bleuis ,mais les cahiers s'améliorèrent.


         Plus tard son coté Ventura  l'entraÎna vers des contrées lointaines où ,elle n'aima rien tant qu'imprimer les villes à la semelle de ses souliers.

  Puis vint le temps des bic à pointe fine, elle rencontra Benoît, ils échangèrent

 une longue correspondance, il aima même son écriture.

          Ils se marièrent , eurent trois enfants et de nombreux petits enfants elle s'éteignit paisiblement un soir de février, les violettes refleurissaient les ordinateurs obéissaient à la voix et si d'aventure ,le gène de l'écriture se manifestait à nouveau dans sa descendance,,,il y aurait toujours de la place pour un calligraphe.....



                                     






Publié dans les balades des arbres

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