Le secret Cosette 26 janvier 09

Publié le par Hash

Le secret

 

Prométhée était chercheur au CNRS depuis maintenant une quinzaine d'années.  Ses travaux en biologie  médicale commençaient à être reconnus.  Il  travaillait notamment sur des cellules souches pour approfondir ses résultats sur la régénération des organes, et ses découvertes apportaient beaucoup à la médecine et aux sciences pharmaceutiques.

 

C'était un chercheur passionné, malin comme un singe, astucieux, volontaire, qui consacrait sa vie à explorer les mystères de la génétique. Il vouait sa vie à  l'étude du devenir humain et à l'étude des plantes ; il était persuadé que celles-ci pouvaient  combattre efficacement  beaucoup de maladies où la pharmacopée chimique restait impuissante. Aussi avait il parcouru le monde entier,  cueilli, séché, extrait des essences de centaines de plantes. Patiemment il avait mélangé certaines d'entre elles, infusé, décocté et expérimenté sur ses animaux de compagnie ou ceux de ses amis.

Il avait découvert intuitivement souvent d'étranges et de subtiles alchimies, des compositions rares, des nectars, des sucs, et leur application  externe ou interne avait donné de réelles preuves dans le domaine médical (eczéma, prurits, brûlures au 3ème degré, psoriasis, ulcères...). Quand il n'était pas dans son labo il se promenait  le soir avec son chat Gilga, qu'il emmenait souvent sur son lieu de travail.

 

Depuis peu il était très absorbé par une nouvelle invention, un mélange de plantes venues d'Australie, qu'il avait broyées, séchées et dont il était certain qu'elles seraient capables de regénerer rapidement et durablement des tissus très altérés par des plaies profondes en agissant directement sur  la reproduction cellulaire. Il avait déjà noté des résultats probants sur une plaie infectée de son chat Gilga, qui en matou invétéré, rentrait de campagne complètement amoché.  Ce jour là Gilga était avec lui au labo, car Prométhée avait l'intention de finir de noter les dernières conclusions. Ils grignotaient tous les deux, au hasard jambon et croquettes. Promothée avait préparé une coupelle de sa nouvelle décoction sur la paillasse du labo et assis à son bureau, achevait ses notes.

Gilga, curieux et humant une odeur suave et mielleuse s'était approché de la coupelle et en avait lappé tout le contenu à l'insu de son maître.

 

Lorsque Prométhée rangea ses dossiers deux heures plus tard, il observa son chat ! Surpris il le vit bondir, slalomer, sauter entre les fioles en miaulant ; ses yeux brillaient comme des braises. Il vit la coupelle vide et comprit :  les effets du breuvage étaient bien plus puissants qu'il ne l'avait escompté. Gilga n'avait plus de plaie, il était guéri. Cela voulait donc dire que sa découverte  engendrait une guérison très rapide des tissus, mais surtout  une régénération des cellules, un rajeunissement de l'organisme, donc.... Une longévité plus grande.... Donc peut être un jour l'immortalité ????

 

Il crut devenir fou. Il avait donc trouvé la recette du rajeunissement ...... Il aurait aimé partager cela avec quelqu'un.... Mais il savait qu'il détenait là un terrible secret, lourd et plein de conséquences. IL ne fallait pas qu'il soit exploité à des fins mercantiles, il fallait le garder jalousement . Quel bonheur ! Quel bien précieux ! Il parcourut de long et large son labo....

Voyons, prudence, silence !  Mais qu'allait il faire ? Pouvait il garder seul ce merveilleux cadeau de la science ? Il fallait qu'il réfléchisse !

 

Dans les jours qui suivirent, Gilga confirma ses espoirs. Le chat était redevenu pubère, avait retrouvé toute sa vitalité et c'est lui qui régnait en maître dans le quartier.

 

Il testa encore sa recette sur le vieux chat de sa concierge , et sur le chien d'un ami, qui était perclus de rhumatismes et avait un vieil eczéma purulent. Au bout de quelques jours, la peau avait retrouvé son aspect sain et les deux animaux leur jeunesse.

 

Comme c'était grisant, enivrant de savoir qu'Il était le créateur de ce breuvage miraculeux qui rendait jeunesse et santé ! Mais que c'était aussi angoissant et frustrant d'être contraint à se taire, à  ne pouvoir se confier..... Il bouillait d'impatience, il avait envie que sa découverte soit vite reconnue et applicable à l'être humain. Il avait peur aussi des applications détournées, malveillantes que l'on pourrait en faire.

 

Un matin il jugea qu'il n'avait pas le droit d'être le seul détenteur d'une si importante découverte qui pouvait changer le devenir de l'Humanité. Il pensait à tous ces blessés  là où il y avait des guerres....

 

Il ne voyait que deux personnes, dignes de confiance, qui porter dignement  avec lui ce lourd secret et ne pas le détourner de son utilité. Le premier était son vieux maître, le Professeur Alchimère,  qui l'avait élevé à la recherche. Le second était son propre élève, le jeune Watson,  un   garçon honnête, solide, sérieux, qui avait un bel avenir devant lui.

 

Il se décida finalement pour Watson, car celui ci devait avoir les chances de perpétuer ses recherches pendant de longues années, Alchimère avait tout de même 85 ans.

 

Il invita Watson chez lui le lendemain soir après le labo à prendre un apéro et à discuter un peu. Avec fierté il lui confia les résultats de ses recherches sur les trois animaux qu'il lui montra d'ailleurs. Watson reçut cette terrible et magnifique confidence avec des sentiments mélangés, d'abord la stupeur, l'incrédulité,  le doute, puis il fallait bien l'admettre devant la vitalité de ces animaux,  la certitude qu'on venait de lui faire partager quelque chose d'inestimable, de rare... Il en fut très fier, se sentit l'élu de son maître, il serait digne de tant de confiance. Mais il pensa aussi à sa vulnérabilité, il se sentait écrasé par un énorme poids, prisonnier de ce terrible aveu.

 

Les jours passèrent pour Prométhée et Watson pendant lesquels ils renforçaient leur confiance réciproque,  travaillaient jusqu'à 15h par jour au labo, mangeaient ensemble, partageaient toutes leurs recherches et leurs résultats, les comparaient, confrontaient, et  cette précieuse collaboration  entraîna une progression évidente de leur travail. Chacun  expérimentait le breuvage  ou le baume sur tous les animaux malades et vieux qu'ils purent recueillir. La vérité était là ! tous ces animaux estropiés, malades guérissaient vite et rajeunissaient peu à peu, jusqu'à retrouver leur vigueur de jeune.

 

Prométhée et Watson étaient heureux. Le secret  bien gardé et dignement partagé  avait créé une nouvelle force, un nouvel élan, une nouvelle communication . Ils s'étaient finalement décidé à se confier au vieux maître Alchimère, dont ils connaissaient tous deux la probité. Ainsi ce secret serait partagé par trois générations de chercheurs, passé, présent, avenir, tous trois ayant une haute idée de la science et de ses champs d'application.

Leurs travaux s'étant avérés plus que fructueux, ils envisageaient très bientôt de faire les premiers essais sur l'être humain et c'était justement le vieux professeur Alchimère qui allait servir de cobaye en quelque sorte, car depuis quelque temps son psoriasis s'aggravait, et il souffrait de plus en plus de rhumatismes ankylosants qui dans peu de temps l'empêcheraient de bouger. Il était heureux de confier son corps à ses deux disciples et  attendait impatiemment de pouvoir à nouveau retrouver un peu de vitalité.

Prométhée et Watson  s'entendaient si bien, avaient tant besoin l'un de l'autre pour se rassurer, se conforter dans leur vérité que même le samedi et dimanche ils les passaient ensemble. Watson avait une passion dans laquelle il avait entraîné Prométhée, l'alpinisme. Ils partaient donc  souvent,  en randonnée d'abord, puis à l'assaut des pics et sommets  de la région. Prométhée avait entière confiance en son ami et Watson ne jurait que par Prométhée. Toute cette franche et solide amitié les protègeait aussi  de leurs peurs, de leurs doutes, de leurs questionnements face à ce grand et magnifique secret. Leur seul et unique ambition était : apporter à l'humanité leur modeste contribution. Ils savaient aussi que ce secret  ne devait être divulgué.

 

Ils partirent ainsi prendre un peu de repos neuronal dans les Pyrénées, ils avaient emmené Gilga et le jeune chien de Watson, auquel Gilga n'avait plus rien à envier., malgré son grand âge au compteur. Sa jeunesse était celle d'un jeune chiot.

 

Ils avaient décidé cette fois ci de partir à la découverte d'un pic à 2200m, réputé difficile d'accès. Ils s'étaient bien sûr munis de toutes les protections, cordes, mousquetons, couvertures de survie, nourriture, boissons....

 

Ils avaient déjà marché depuis plusieurs heures, l'effort était rude, la bise soufflait et balayait les cimes, un épais brouillard commençait à se poser sur les montagnes autour et on ne voyait bientôt plus à 50 mètres.

Ils avaient prévu d'atteindre un refuge à quelques 500 mètres de là, mais il fallait encore monter, monter....... Ils haletaient sous l'effort, riaient, se faisaient peur en criant, l'écho leur renvoyait des sons étranges... ..

 

Il fallut un moment passer de l'autre côté d'un rocher. Ils s'attachèrent, Watson prit la tête, Prométhée suivait, Gilga dans son sac à dos. Leurs gestes étaient parfaitement synchronisés, par l'habitude et la confiance.

 

Pourtant soudain, Prométhée, fatigué et transi de froid,  glissa sur des pierres, déboula, 10 mètres plus bas entraînant,  avec lui Watson qui, surpris par la brutalité de l'accident, n'avait où se raccrocher. Il lâcha le pic qu'il allait  planter dans le rocher et tomba en arrière.  Leur chute fut longue, irrémédiablement assassine. Ils restaient unis par cette corde qui n'avait pu les protéger.  Ils eurent  le temps de penser au code  secret, lettres et chiffres cryptés de leurs travaux, enfermés dans le coffre fort du laboratoire.

 

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S
C'est très beau ma belle Cosette. T'as une suite ou ils sont définitivement morts ? Gros bisous Sergi
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