Le long voyage de mon Père ( JJ. Perez )

Publié le par Hash

LE LONG VOYAGE DE MON PERE.

Nouvelle version.

 

 

_ Papa raconte moi ton voyage s’il te plaît.

 

 

_Je veux bien te raconter ce voyage, mais tu sais je ne sais pas si tu vas me croire car il y a dans ce voyage des choses incroyables.

 

_ Si papa raconte moi !

 

_D’accord alors on y va !

 

                        A 15 ans j’ avais déjà connu le fait d’être rejeté d’un milieu ,c’est déjà une forme 
d’ expatriation.

 

Mon père était propriétaire terrien et éleveur de chevaux en Andalousie. Tu sais ces magnifiques chevaux qui faisaient la fierté de la garde à cheval du roi Alfonse XIII.

Mon père était décédé 2 ans plus tôt d’un chaud et froid.

Ma mère , afin de payer le docteur, l’hôpital et les médicaments avait dû vendre la propriété et le aras.

Depuis lors nous ne faisions plus partie de ce monde de gens aisés et nous vivions ma mère ma sœur mon frère et moi dans une petite maison au 14 calla de Cadix à la Linéa à coté de Gilbraltar. On travaillait tous afin de ne pas sombrer dans la misère. La misère était très grande à cette époque tu sais !

 En 1936 j’avais 17 ans, la république espagnole avait été proclamée par élections en avril 1931 et le roi Alphonse XIII était en exile en France avec sa famille.

J’ aurais pu être du côté des franquistes et de la calotte, mes origines me l’auraient commandées mais les circonstances étaient différentes. J étais donc du côté de cette nouvelle république et je défendais la liberté.

 

On s’attendait bien à des moments très difficiles ; mais on ne s’attendait  pas à une guerre civile.

Méfiant, à juste titre le gouvernement légal ( républicain) avait écarté les ex responsables militaire du pays.

Sanjurjo était en exil au Portugal, Mola à Pampelune et Franco aux Canaries.

 

Le 13 juillet Calvo Sotelo a été assassiné à Madrid par des officiers républicains.

 

Voilà ce qui déclencha définitivement cette horrible guerre fratricide.

Dans toute les provinces espagnoles un vent de colère et de vengeance se leva.

 

Mon oncle Diego dit « Diego le magnifique » recrutait hommes et femmes pour soutenir les troupes républicaines.

Je m’engageais donc dans cette armée et je n’ avais que 17 ans.

Quand  ils m’ont donné un fusil j’ ai eu la chair de poule. La peur sera  pendant toute la guerre présente en moi. C’était tuer ou se faire tuer.

Qui étaient ils ? ces républicains espagnoles.

Des intellectuelles, des médecins, des travailleurs, des socialistes, des communistes, des anarchistes, des sans-parti, des antifascistes.

 Quelles étaient leurs motivations ? Certains haïssaient le fascisme, d’ autres voulaient en découdre en faisant la guerre ; la plupart s’engageaient par solidarité. Ils avaient soif de liberté, conscient qu’en défendant la république ils protégeaient leur pays.

1936.

Le voyage commença donc un beau matin de juillet 1936 à La  Linéa.

Mon régiment était sous les ordres d’un jeune capitaine de cavalerie qui chevauchait un de ces magnifiques chevaux blancs que mon père élevait quand il vivait.

L’ ayant su ce capitaine me confia l ‘entretient de son cheval et la charge des mulets qui nous accompagnaient Pendant toute cette marche jusqu'à  Madrid chaque fois que nous montions à l’ assaut ce capitaine le faisait sur son cheval blanc il était vraiment très courageux ce petit capitaine.

Nous devions rejoindre Tolède rapidement pour barrer la route au franquistes qui voulaient coupé l’Espagne en deux à Barcelone.

Les troupes franquistes avaient pris Badajoz et avaient au passage massacré plus d’un milliers de nos camarades qui avaient été fait prisonniers.

L’  homme ne s’habitue  pas à l’ horreur. La haine antifasciste grandit alors en moi.

 

On peu dire que pendant cette période j’en ai vu du pays et des paysages.

On peu dire aussi que j’ai vu beaucoup de gens, des fraternelles qui nous acclamaient au passage et nous offraient des vivres, et des hostiles comme ces moines du monastère de San  Bénédico de Baena prés de Cordou. Ils tuèrent une centaine de mes camarades avec des mitrailleuses qui leurs avaient été fournies par les franquistes.

 

_ Oui papa j’ en ai entendu parlé.

_ Oui tout le monde en a entendu parlé, mais ce qu’on sait pas c’est pourquoi nous les avons fusillés.

 

Moi j’ai perdu ce jour là mon meilleur ami Alexendro d’une balle dans la tête, il venait d’avoir 19 ans quand il est tombé sa tête sur mon bras, j’ ai senti quelque chose de chaud sur mon bras, une balle lui avait traversée la tête. Il est mort sans avoir tiré un seul coup de fusil.

Nous étions sur un terrain nu. L’ ennemi était en face. La chaleur était terrible. Nous arrachions les racines d’ herbe pour vaincre la soif. Rien pour se protéger impossible de creuser un trou que des pierres pour se cacher.

Le soir venu nous avons pris la position et nous avons ramassé les corps de nos camarades. Les têtes pendaient d’ une charrette pleine. Je m’aperçu alors qu’ une balle était rentrée dans mon casque et elle était ressortie par là ou elle était rentrée. Une balle avait aussi arrachée une petite partie de ma main gauche la blessure n’ était pas importante et ne nécessitait pas d’aller à l’hôpital. On me soigna donc sur place avec les moyens du bord.  Ce jour là j’ ai eu beaucoup de chance et je me suis dis que si je n’ était pas mort cette fois, je ne mourrai jamais.

Dans la nuit nos officiers ont jugés les moines et au petit matin un peloton d’exécution a été désigné pour les fusiller.

Avec plusieurs de mes camarades nous avons été promu au grade supérieur pour notre bravoure au combat mais surtout pour remplacer les sous-officiers qui étaient tombés la veille au combat.

J’avais donc acquis le grade de sergent.

Mais notre route devait se poursuivre.

Rapidement nous nous sommes retrouvé devant la Sierra Moréna.

C’était la montagne, heureusement, nous avions des mulets. Cela nous a facilité le passage.

Si nous avions eu des chenillettes ou des camions il aurait fallu faire le tour et nous aurions perdu beaucoup de temps.

Passé la montagne il y avait le Rio Guadiana.

La chance était avec nous, les franquistes n’ étaient pas encore arrivés et le pont à Cuidad  Real était encore debout. Nous avons franchi rapidement ce pont et nous l’avons fait sauté à la dynamite afin de ralentir les troupes ennemies qui arrivaient du sud.

On rentrait en Castille_ La Mancha . Le Montes de Tolédo était devant nous, encore un mur.

 Nous l’avons traversé sous un soleil de plomb, les sentiers étaient très étroit, malgré leur légendaire agilité un certain nombre de mulets sont tombés dans les précipices emportant avec eux, armes et nourriture.

Pas un arbre pas un abri pour se cacher, il fallait passé à tout prix.

Arrivée à Tolède, mon oncle qui avait pris du gallon s’est vu confier une escouade d’ une cinquantaine d’ hommes, tous de très bons soldats, pour se diriger vers Salamenca à l’ouest de nos positions afin de renforcer notre armée qui faisait barrage à l’ armée du nord.

On sait qu’il y a eu de très grands combats. On dit même que là-bas nos camarades n’ ayant plus de munitions pour ce défendre se sont battus au couteaux a la baïonnette et avec leur pelle-pioche.

Je n’ai jamais su ce qui était arrivé à mon oncle et à ses hommes. Je suis sur qu’ ils sont mort en héros.

 

Depuis le 22 juillet les franquistes de Tolède, retranchés dans l’ Alcazar, résistaient aux troupes républicaines. Franco qui se dirigeait vers Madrid envoya ses troupes sur Tolède.

Après 2 mois de résistance et de destruction nos troupes sont mises en déroute par les chars et l’aviation. Nos officiers décidèrent donc de monter sur la capitale pour la protéger.

 

C’était si je me souvient bien le 28 septembre 1936.

1937.

J’ ai combattu dans le secteur jusqu’ en mars 1937 à Guadalajara.

C’ est là que je vis pour la première fois les hommes des brigades internationales.

Ils étaient venus de 20 pays différents.

Il y avait des Américains du nord avec des noirs, des Français, des Russes, des Polonais, des Allemands aussi et des Italiens ( les garibaldiens).

A Guadalajara nous étions face aux troupes fascistes italiennes de Mussolini. Nous avions peur que les Garibaldients nous fasse faux bon, pourtant, ce sont eux qui nous montrèrent les plus grands actes de bravoures.

 L’ armée du Duce avait alignée 35000 hommes. Nous étions honorés de combattre le fascisme italien directement.

Les garibaldiens sont montés à l’ assaut de nombreuses fois détruisant chars, mitrailleuses et auto-mitrailleuses...

Ils ont laissé de nombreux hommes sur le terrain . Le soir ils allaient chercher leurs compagnons morts et blessés au prix de nouvelles victimes.

Le jour il faisait chaud, la nuit très froid. On avait rien pour se couvrir. On se serait, en grelottant, les uns contre les autres. Il pleut, il neige parfois, aussi, la boue colle. Du rocher partout, impossible de creuser un trou pour se mettre à l’abris. Sauf des pierres.

Parfois une patrouille de Garibaldiens ne revenait pas. On les retrouvait, tués à coup de couteaux le foulard rouge enfoncé dans la bouche.

Ils avaient installé des haut-parleurs et ils diffusaient en italien vers les autres « Qu’est-ce que vous venez faire ici à combattre le peuple espagnol ? »

Et ce pendant cinq jour, ça a eu un effet dévastateur sur les Mussoliniens.

Au septième jour on devine comme un grondement derrière nous c’était les chars russes qui arrivaient. Nous nous sommes tous levés et nous sommes passés à l’ attaque. Chez les autres ce fut la débandade. Si on avait eu les moyens, on pouvait les pousser jusqu’ à la mer.

On récupère tout des troupes de Mussolini : des camions, des armes, des toiles de tente, des cigarettes, du savon….Et des prisonniers. Quatre ou cinq jours après on en trouait encore qui se cachaient dans les fourrages. Eux quand ils étaient blessés, nous les soignions comme les nôtres.

 

Après ce fut Madrid.

J’ai défendu la capitale jus qu’en juin 1937.

Après Madrid ce fût L’Aragon , l’Extremadura, puis le Rio Ebro.

1938.

L’ Ebro l’une des plus atroces batailles que j’ai connu.

C ‘ était un combat de vie ou de mort, à la baïonnette à la grenade, au couteau.

Position perdue puis reprise.

L’aviation qui nous mitraillait et nous bombardait sans cesse.

A Saragosse le pont avait été bombardé et c’est à la nage que nous avons traversé le fleuve.

C’est à cette bataille que mon jeune capitaine perdit la vie une balle en pleine poitrine. Son cheval se sauva et on ne le revit jamais.

C’était en juillet 1938 les brigades internationales perdirent 80% de leur effectif.

Nous nous perdîmes 40% de nos frères.

 

_L’ eau devait être froide papa, froide ! non ! glacée tu veux dire.

Beaucoup d’entre nous périrent noyés parce qu’ils ne savaient pas nagé.

D’ autre sont resté sur la rive arrêtant  là leur voyage.

 

_Ils ont été fait prisonniers papa ? j’ en doute !

 

Sur l’autre rive on entendait le crépitement des mitrailleuses. Ca a duré jusqu’au matin.

Au matin c’est l’aviation qui a pris le relais et puis plus rien plus un bruits.

Très peu d’ entre eux on pu s’en sortir tu sais !

1939.

On est remonté vers Barcelone et on a tenu la ville jusqu’au 26 janvier 1939.

Les franquistes ont envahie la ville et nous nous sommes sauvés vers la frontière Française.

 

Pourtant nous avions repoussé les fascistes Italiens à Guadajara avec les brigades internationales.

Pourtant nous avions tenu le siège de l’Alcazar à Tolède.

Pourtant on s’était bien battu à Madrid.

Mais il y avait eu Guernica et Teruel.

 Nous étions désemparé et c’est sur le chemin de l’exile que nous étions maintenant.

 

Madrid est tombée le 28 mars 1939.

Certains d’entre nous avaient fui par Saragos d’autres par Burgos. Certains réussir à passer les Pyrénées par l’ Andorre d’ autre par le pays Basques.

 

 

 Là, nous étions environ 500 000 avec les civils qui avaient fui leurs maisons et leurs villages par crainte des représailles.

 

En France nous étions attendus par les gendarmes.

Nous étions exténués, affamés, miséreux, hagards.

Les gendarmes nous ont parqués dans des camps de concentrations à Argeles, St Cyprien et Port Barcarès.

Nous étions gardés par ceux que nous appelions les Moros ( les Maures).

C’était des troupes d’élites Marocaines que Franco avait embrigadé pour combattre en première ligne.

Nous les avions souvent combattu et battu. Allaient ils nous le faire payer maintenant ?

 

C’était pour nous une véritable humiliation.

Des humiliations nous en avons eu d’ autres.

Celle de la reddition du 28 mars 1939 de Madrid.

Celle des Trahisons.

Celle de l’exécution de Frédérico Garcia Lorca.

Celle des privations.

Celle de la défaite.

Celle des camps de concentration en France, pays de la liberté.

Début juillet 1939 les gendarmes sont venus pour recruter des hommes pour s’ engager dans l’ armée Française.

 

J’ai signé avec d’autre compagnons.

Le groupe avait éclaté vers d’ autres destinations.

Certains réussir à s’ enfuir et ont pris le maquis dans le sud-ouest et le limousin.

Les femmes, les enfants et les vieillards ont été recueillis dans des famille d’ accueil dans le sud-ouest ( Toulouse, Perpignan, Narbonne, Béziers, Dax, Mont de Marsan, Pau, Tarbes.

Certains s’ engagèrent dans des compagnies de travail.

Certains de ceux qui avaient signé se sont retrouvés dans les troupes d’ Afrique dans la 2 ème DB de Leclerc.

Va pas croire mon fils qu’ ils étaient pilotes de chars.

Non ils marchait à coté ou derrière.

Ils ont suivi le Général partout en Afrique. Ils ont libéré le sud de la France et remonter à Paris.

Certains chars portaient les noms de Madrid, Salamenca, Tolède, Barcelone, Guernica, Ebro.

Ils ont participé à la libération de Strasbourg et ils ont repoussé les nazis jusqu’en Allemagne.

 

Moi j’avais été transféré en camion en septembre 1939 sur la ligne Maginot.

En septembre 1939 la France et l’ Angleterre déclarent la guerre à l’ Allemangne.

En juin 1940 c’ est la débâcle en France. Les officiers Français se sauvent en laissant sur place leurs hommes et nous.

Les nazis n’ ont pas eu de mal à nous faire prisonniers.

En juin 1940 c’ est prés de 7 millions de Français qui prirent la fuite sur les route du sud. L’ exode avait commencé en France et en Europe.

Les soldats Français furent mis dans des camps de travail. Puis, après l’ armistice du 22 juin 1940, certains furent rendus à leur patrie.

 

Nous les Espagnoles, nous avons été transféré directement au camp de déportation de Mauthausen en Autriche.

Nous étions 7300 du mois d’août  1940 au printemps 1945 à avoir été immatriculés. Je portait le n° 5683.

Au printemps 45 nous n’étions plus que 2200. La majorité d’ entre nous avions entre 20 et 35 ans.

On nous a volé notre liberté, notre pays, nos femmes, nos enfants, nos parents, nos amis.

 

_Papa raconte moi le camp de déportation !

_Non pas maintenant, plus tard s’ il te plait !

_Tu ne pourrais pas me croire !

 

_Il faudra qu’un jour tu fasses le même voyage et seulement là tu pourras comprendre.

 

Après la libération des camps le 5 mai 1945, on nous donna le choix pour une nouvelle expatriation.

L’ Argentine et tous les pays hispaniques, l’ Amérique du nord, l’ Angleterre, la France.

 

Moi j’ ai choisi la France où j’ ai rencontré ta mère puis nous vous avons eu toi et tes frères.

La France c’ est ma nouvelle patrie ma nouvelle famille mes nouveaux amis.

J’ ai enfin trouvé la liberté et le bonheur.

Pourtant je sais que je n’ai pas terminé mon voyage.

Il me reste maintenant mon dernier voyage à faire.

Mais j’ ai le temps de le faire tu sais !

 

Mon père parti pour son dernier voyage le 5 juin 1970 à Suresnes dans les hauts de seine.

Ce petit Espagnol de La Linéa en Espagne avait fait un drôle de voyage.

Jamais il ne retourna dans son pays pour voir sa mère et sa sœur. Son frère était mort quelques années plus tard.

Jamais il ne connut ses neveux ni sa nièce.

       

 

 

 

 

 

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